jeudi 2 avril 2009

Métier : Dessineuse de ronds-points (part III)




Je vous ai exposé les différentes nuances que recouvre la notion d'urbanisme dans une commune.

Mais alors, un directeur de l'urbanisme, que fera-t-il ?
Coordonner ses propres équipes, évidemment, celles que je vous ai listées la fois précédente. Faire en sorte que le responsable Droit des Sols (A.D.S.) remonte suffisamment ses difficultés d'instruction vers le juriste pour faciliter le travail de rédaction des textes. Qu'il informe aussi l'architecte des besoins en évolution qu'il perçoit dans la ville, le nombre de demandes et le nombre de refus de permis pouvant être de bons indicateurs.
Que le responsable actions foncières souligne au chef du prévisionnel et de l'opérationnel les opportunités qu'il perçoit.
Que cet architecte sache communiquer tant à l'A.D.S. qu'au chargé d'opération les objectifs généraux poursuivis, pour que ceux-ci les servent, convaincus et éclairés.

Le directeur de l'urbanisme devra également communiquer avec les autres directeurs de la Collectivité.
Car, tout concepteur qu'est ce métier, il n'a que peu de rapports avec la gestion courante et il lui faut prendre pied avec les enjeux d'une collectivité territoriale.

Les enjeux financiers. L'urbanisme est source de revenus, par toutes les taxes qu'il permet à la collectivité de récupérer : encore faut-il mettre en place les outils pour les évaluer quelque temps à l'avance.
L'urbanisme est source de dépenses, selon si la collectivité souhaite intervenir un peu, assez, beaucoup dans la construction de la Ville (et nous en revenons au débat avec Jean Nouvel) : les dépenses courantes, bien sûr, personnel, fournitures, etc…, mais surtout les dépenses d'investissement pour les opérations (lotir, construire, équiper…), les études diverses et variées…



Les enjeux environnementaux. Ville durable, architecture Haute Qualité Environnementale, font désormais partie des cahiers des charges, des Agenda 21 et des exigences politiques et sociales d'une collectivité. Une commune dispose parfois d'un service ou d'un chargé de mission tenus de veiller à la mise en concert des actions des tous les autres services en fonction de ces enjeux. Pour l'urbanisme, c'est d'autant plus prégnant qu'il s'agit de calibrer les projets publics et d'encourager les projets privés à suivre ces principes. Encourager, par de la communication, de l'incitation, parfois des subventions aux particuliers ou des interventions publiques sur les gros projets. C'est un vrai défi, relevé avec brio par certains, au rabais pour d'autres, ignoré dans nombre de cas.
Je peux difficilement, en tant que FreeWoman, passer à côté de ces enjeux-là...

Les enjeux techniques. L'urbanisation ne peut être considérée comme un simple dessin de volumes sur un plan vierge. Voiries et réseaux, induction de flux et de transports, intégration à un système pré-existant avec ses fonctionnements, ses dysfonctionnements… L'urbaniste ne peut être un autiste, il travaille, il sculpte une réalité, et doit tenir compte des contraintes techniques que ses projets rencontrent ou entraînent.

Les enjeux sociaux. La ville, ce n'est pas que de l'habitat et de l'activité. Ce sont des mouvements, des utilisations d'espaces publics, des équipements rendus nécessaires par la concentration des biens et des personnes. L'urbaniste qui ignore la nécessité d'ouvrir une classe pour 30 enfants ignore tout de son métier. On ne peut vendre du terrain sans en payer le prix.
La relation de l'urbaniste avec "le substrat social" du territoire est donc un préalable. C'est pourtant la plus difficile à établir.

Les enjeux organisationnels. Ils sont du ressort, théoriquement, d'un directeur général des services. Combiner les travaux de réseaux, de voirie, la création d'une ligne de bus et la construction d'un quartier complet, augmenter les services au public au pro-rata du nombre d'habitants nouveaux, c'est son travail de management et d'organisation.
L'urbaniste, lui, saura donner une évaluation du temps que tout cela peut représenter, au moins une fourchette. Il pourra se tromper, si le "quartier "se "vend" mal, ou s'il se vend trop bien. Mais l'urbaniste aura contribué, en tout cas, à ce schéma organisationnel.

Les enjeux humains. C'est peut-être la portion la plus impalpable et la plus "dramatique" de ce travail, "dramatique" au sens du changement du cours des choses pour la population.
Modifier une parcelle du territoire, c'est modifier le sens que lui donnait une personne ou un groupe de personnes. Cela peut provoquer des nœuds de conflit assez durs. Que ce soit la démolition-reconstruction des grandes cités, dans lesquelles bon an mal an des habitants s'étaient enracinés, ou que ce soit dans la transformation urbaine d'un paysage auparavant vierge et naturel, l'urbaniste rencontre des résistances humaines à son action, doit les ressentir, les soupeser, peut-être parfois les résoudre.
Pour faire face à ces problèmes, les élus ont inventé la "démocratie participative". Je ne sais pas pour qui cela marche, pour ma part j'optimise les projets avec le maternage et l'accompagnement personnalisé, investi, des opérations perturbantes. C'est éminemment chronophage, ça demande pas mal de psychologie, mais si c'est réussi, c'est aussi très satisfaisant, car au lieu d'avoir réussi seul, on a réussi à plusieurs. Et la sauce prend !

Et c'est là tout l'objet de l'urbaniste : donner ou redonner la Ville à vivre.

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A vous les crayons...