jeudi 30 avril 2009

"Chérie, tu veux un piano ?"

Dans mon ancien poste, j'ai beaucoup contribué au Plan Local d'Urbanisme (PLU) dont il est question dans les vidéos suivantes, car je travaillais dans une commune d'Angers Loire Métropole.
Il y avait peu de chances pour que ce PLU échappe à un contentieux, et de fait il a été attaqué par les associations locales, entre autres, qui ont estimé qu'elles n'avaient pas été assez associées à l'élaboration.
L'une d'entre elles, la Sauvegarde de l'Anjou, avait ses locaux pas très loin de chez moi, à coté d'un vendeur de pianos... (souvenirs souvenirs... soupir).
L'annulation par le Tribunal Administratif de ce PLU, qui couvre non pas une mais quatre communes, tombe mal au moment où, avec le tram, Angers allait mettre le paquet sur son développement en matière d'habitat.
C'est la rançon d'avoir un territoire de grande qualité... ça fait beaucoup d'enjeux, et beaucoup de jaloux.

Il est question de remettre le dossier à l'enquete publique dès l'automne prochain, mais cette précipitation n'augure encore rien de bon. D'ailleurs, cet "échec", de taille, fait largement l'affaire de l'opposition au Maire actuel...




Vieilleries

J'appuie ma figure sur mon passé. Je clos les portes et les volets, ne laisse s'infiltrer qu'un pauvre rai de soleil, comme si canicule il y avait.

Je ferme, et je grelotte seule, instantanée louange à mes frayeurs indicibles.

Et pourtant je sais, la chaleur et l'envie, mais les courroies sont usées et mon frisson s'épuise.



Il s'est consumé, un jour, au bord du jardin vieux, sur cette chaise grise, alors que je flambais. Il s'est consumé comme un pieu dans le feu de mon cœur.

mercredi 29 avril 2009

Grand Paris, la suite



Aujourd'hui le PD-RF-SA (Sévissant Actuellement) a solennellement présenté le projet du Grand Paris 2030.
Encore assez peu de dépeches en rendent compte mais j'ai bien aimé les articles du Monde et de France Info sur la question.
Bonne culture...

vendredi 17 avril 2009

De la vocation d'architecte



L'inaltérable Yves Calvi, dont je suis une fidèle auditrice (mais pas téléspectatrice), a fait découvrir sur France Inter l'architecte Paul Andreu, qui a conçu et construit Roissy 1 et 2, et a beaucoup travaillé en Chine dernièrement.

Il présentait son dernier livre, un roman nommé "La Maison", que je suis en train de lire. Il me semble traiter de la genèse de la vocation d'un architecte, sa sensibilité si particulière aux constructions, aux topographies, aux volumes, aux lumières, aux interactions entre les espaces. C'est intéressant, peut-être un brin froid, désincarné, mais je n'en suis qu'au début et ce peut être de la pudeur. En tout cas, l'on saisit comment la mémoire de cet homme a fonctionné, comme il a un sens aigu de l'orientation, du repère dans l'espace, comme il est sensuel.

Par exemple, il évoquait pendant l'émission en question des bruits de chantier, qui semblent le toucher comme une preuve de vie. C'est assez rare chez un "grand" architecte et c'est notable : nombreux sont ceux qui fuient le chantier et le délèguent à un bureau d'études.
Autre particularité de Paul Andreu, sa revendication de la liberté artistique de l'architecte. Cela me défrise un peu en tant que maître d'ouvrage, mais à son niveau d'exercice, cela se justifie tout à fait.
Il considère que le maître d'ouvrage est là pour indiquer ses besoins et donner son enveloppe, mais que ces deux éléments sont les seules contraintes de l'architecte et que le maître de l'ouvrage ne doit pas, en aucun cas, donner son avis sur les orientations du maître d'oeuvre : il explique qu'il y a toujours des raisons à un plafond situé à 10 mètres de haut, à un sol luxueux avec des murs "pauvres", et qu'il n'est pas question qu'il laisse le soin au destinataire de l'ouvrage d'en décider autrement.
Au moins, c'est tyrannique, mais c'est clair.



Enfin, un homme à découvrir, des constructions aux douces courbes à faire rêver...

jeudi 16 avril 2009

Panne

... d'oreiller, panne de stylo, panne d'inspiration, page blanche en panne.

Mais revenons donc à l'exercice de la description parenthèsophile.

Appelons-le Monsieur Manoir.
Monsieur Manoir dispose d'une société florissante (pour l'instant) dont la principale activité est l'aménagement économique. Ce raccourci fort peu grâcieux désigne un ensemble d'actions : achat de terrains de préférence nus, mais pas que, viabilisation (réalisation de réseaux d'assainissement, d'électricité, de voirie...) et/ou démolition de bâtiments, alotissement (découpage en lots de terrain), revente à des promoteurs qui construiront des bâtiments d'activité pour les louer, ou à des chefs d'entreprise qui y mettront leur outil de travail.
Pour assurer cette affaire qui tourne, Monsieur Manoir s'est entouré d'une assistante, qu'il salarie, d'une autre assistante, qu'il salarie aussi mais plus cher car c'est elle qui fait les études de marché, d'un associé, qui le finance, l'aide à commercialiser et à piocher dans son carnet d'adresses, d'un architecte, qu'il émolumente, d'un avocat, qu'il honorarie, d'un banquier, qui le spolie (pas encore mais tôt ou tard), d'un téléphone portable dernière génération et d'un moral à toute épreuve soutenu sans doute par quelques pilules magiques qui ont aussi la propriété de le maintenir bronzé toute l'année (à moins que ce soit ses vacances à l'Ile Maurice. Je me disais aussi).

Le problème de Monsieur Manoir, comme de tout entrepreneur, est de dégager de son opération suffisamment de bénéfices pour continuer à porter son nom sans dégât (bah oui, c'est pas un hasard, son nom.)
Et le bât blesse en plusieurs endroits.
Le vendeur du terrain nu n'est pas assez rétribué pour sa peine (oups, ça grince).
Le vendeur du terrain pas nu est plus gourmand encore que les pois de sa cravate.
L'acheteur du terrain final, qui accessoirement est celui à la cravate à pois, dispose en outre d'yeux et d'un ventre qui ne cessent de grossir tour à tour (et je le soupçonne pour finir de jouer à la Grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le Bœuf; il faut aimer la rumination).
Vous noterez que jusque là, les projets de Monsieur Manoir, quoiqu'un brin ambitieux, se passaient sans trop de heurts, surtout avec les huiles locales dans les rouages.
Bon. Là, Monsieur Manoir veut des garanties. On ne signe pas des contrats de millions d'euros sans prendre quelques précautions administratives, ça va de soi.
Il se tourne donc vers les services publics, à savoir votre serviteuse, et dépose avec son architecte (redoutablement intelligent et d'un fort bon coup de crayon) un permis de construire.
Là où ça se corse, c'est que les routiers, appelés à la rescousse pendant la vérification d'usage, jugent que (le terrain de) Monsieur Manoir n'est pas assez bien branché et se mêlent de l'emmancher un peu mieux.
L'emmanchage est de taille, il bouscule le projet, que dis-je, il le démultiplie, Socorro crie Monsieur Manoir, A moi les services publics.

Ah, les bons services publics. Mais bon sang, mais c'est bien sûr, nous aurions dû y penser avant. L'emmanchage est sur la grand'route, c'est aux routiers de le programmer !
Donc, voilà la situation :

Monsieur Manoir va obtenir un permis de construire après avoir été facturé de quelques dizaines d'études, et l'emmanchage, qui autorise la cravate à pois à venir mettre ses doigts de pieds en bouquets de violette dans son outil de travail tout neuf, sera payé par (Tonton pourquoi tu tousses ?) vozigues, vopommes (-pom girls). Bon, c'est légèrement plus compliqué que ça mais vous avez saisi l'idée.
Donc, me direz-vous, et là, pourquoi on ne refuse pas le permis de construire ? pourquoi le service public ne récupère-t-il pas les sous de l'emmanchage ?

Ah, mais il les récupèrera. Peut-être. Va savoir. On ne sait jamais, avec le vent.

jeudi 2 avril 2009

Métier : Dessineuse de ronds-points (part III)




Je vous ai exposé les différentes nuances que recouvre la notion d'urbanisme dans une commune.

Mais alors, un directeur de l'urbanisme, que fera-t-il ?
Coordonner ses propres équipes, évidemment, celles que je vous ai listées la fois précédente. Faire en sorte que le responsable Droit des Sols (A.D.S.) remonte suffisamment ses difficultés d'instruction vers le juriste pour faciliter le travail de rédaction des textes. Qu'il informe aussi l'architecte des besoins en évolution qu'il perçoit dans la ville, le nombre de demandes et le nombre de refus de permis pouvant être de bons indicateurs.
Que le responsable actions foncières souligne au chef du prévisionnel et de l'opérationnel les opportunités qu'il perçoit.
Que cet architecte sache communiquer tant à l'A.D.S. qu'au chargé d'opération les objectifs généraux poursuivis, pour que ceux-ci les servent, convaincus et éclairés.

Le directeur de l'urbanisme devra également communiquer avec les autres directeurs de la Collectivité.
Car, tout concepteur qu'est ce métier, il n'a que peu de rapports avec la gestion courante et il lui faut prendre pied avec les enjeux d'une collectivité territoriale.

Les enjeux financiers. L'urbanisme est source de revenus, par toutes les taxes qu'il permet à la collectivité de récupérer : encore faut-il mettre en place les outils pour les évaluer quelque temps à l'avance.
L'urbanisme est source de dépenses, selon si la collectivité souhaite intervenir un peu, assez, beaucoup dans la construction de la Ville (et nous en revenons au débat avec Jean Nouvel) : les dépenses courantes, bien sûr, personnel, fournitures, etc…, mais surtout les dépenses d'investissement pour les opérations (lotir, construire, équiper…), les études diverses et variées…



Les enjeux environnementaux. Ville durable, architecture Haute Qualité Environnementale, font désormais partie des cahiers des charges, des Agenda 21 et des exigences politiques et sociales d'une collectivité. Une commune dispose parfois d'un service ou d'un chargé de mission tenus de veiller à la mise en concert des actions des tous les autres services en fonction de ces enjeux. Pour l'urbanisme, c'est d'autant plus prégnant qu'il s'agit de calibrer les projets publics et d'encourager les projets privés à suivre ces principes. Encourager, par de la communication, de l'incitation, parfois des subventions aux particuliers ou des interventions publiques sur les gros projets. C'est un vrai défi, relevé avec brio par certains, au rabais pour d'autres, ignoré dans nombre de cas.
Je peux difficilement, en tant que FreeWoman, passer à côté de ces enjeux-là...

Les enjeux techniques. L'urbanisation ne peut être considérée comme un simple dessin de volumes sur un plan vierge. Voiries et réseaux, induction de flux et de transports, intégration à un système pré-existant avec ses fonctionnements, ses dysfonctionnements… L'urbaniste ne peut être un autiste, il travaille, il sculpte une réalité, et doit tenir compte des contraintes techniques que ses projets rencontrent ou entraînent.

Les enjeux sociaux. La ville, ce n'est pas que de l'habitat et de l'activité. Ce sont des mouvements, des utilisations d'espaces publics, des équipements rendus nécessaires par la concentration des biens et des personnes. L'urbaniste qui ignore la nécessité d'ouvrir une classe pour 30 enfants ignore tout de son métier. On ne peut vendre du terrain sans en payer le prix.
La relation de l'urbaniste avec "le substrat social" du territoire est donc un préalable. C'est pourtant la plus difficile à établir.

Les enjeux organisationnels. Ils sont du ressort, théoriquement, d'un directeur général des services. Combiner les travaux de réseaux, de voirie, la création d'une ligne de bus et la construction d'un quartier complet, augmenter les services au public au pro-rata du nombre d'habitants nouveaux, c'est son travail de management et d'organisation.
L'urbaniste, lui, saura donner une évaluation du temps que tout cela peut représenter, au moins une fourchette. Il pourra se tromper, si le "quartier "se "vend" mal, ou s'il se vend trop bien. Mais l'urbaniste aura contribué, en tout cas, à ce schéma organisationnel.

Les enjeux humains. C'est peut-être la portion la plus impalpable et la plus "dramatique" de ce travail, "dramatique" au sens du changement du cours des choses pour la population.
Modifier une parcelle du territoire, c'est modifier le sens que lui donnait une personne ou un groupe de personnes. Cela peut provoquer des nœuds de conflit assez durs. Que ce soit la démolition-reconstruction des grandes cités, dans lesquelles bon an mal an des habitants s'étaient enracinés, ou que ce soit dans la transformation urbaine d'un paysage auparavant vierge et naturel, l'urbaniste rencontre des résistances humaines à son action, doit les ressentir, les soupeser, peut-être parfois les résoudre.
Pour faire face à ces problèmes, les élus ont inventé la "démocratie participative". Je ne sais pas pour qui cela marche, pour ma part j'optimise les projets avec le maternage et l'accompagnement personnalisé, investi, des opérations perturbantes. C'est éminemment chronophage, ça demande pas mal de psychologie, mais si c'est réussi, c'est aussi très satisfaisant, car au lieu d'avoir réussi seul, on a réussi à plusieurs. Et la sauce prend !

Et c'est là tout l'objet de l'urbaniste : donner ou redonner la Ville à vivre.