vendredi 28 mai 2010

New Mexico, Land of Enchantment


Je suis plutôt bon public et j’aime voyager, mais je demeure farouchement jalouse de mes origines et un rien mauvaise foi quand il s’agit de désigner l’endroit ou les endroits que je préfère au monde.

On m’aurait posé la question il y a quatre semaines, j’aurais sans nul doute indiqué l’Ubaye, Collioure et, peut-être, Terre-de-Haut, pour mes seules « favorite places to be ».



Seulement voilà, avec ma chance insolente, je connais un chéri qui a de la famille à Albuquerque, et ce chéri s’est fait inviter avec mère et bagages, et j’étais dans la malle.



What a trip. Worth a trip. Such a trip.






Survol de la France, l'Angleterre, l'Irlande. Tout est petit, intriqué, cousu d’histoire, pétri de densité, une mosaïque de paysages contrastés mais à l’échelle plutôt réduite.

Survol des mers arctiques, icebergs en flottaison saupoudrée, le réchauffement en arrière-pensée, la noyade des ours polaires en filigrane.

Puis, survol du continent américain. Premier choc, l’immensité.


Sous notre fuselage argenté, la nature se déploie sur des superficies insensées, vers des horizons impalpables, avec une constance indéfectible.

Après les dentelles glacées d'une toundra canadienne, les grands lacs, mers intérieures, écoulent un après-midi lointain.

Après les plaines centrales et leur ruralité forcenée, les villes, Dallas en particulier, sont de gigantesques toiles quadrillées, rigoureusement ordonnées, dans lesquelles les usines ne côtoient pas les maisons, les villas ne côtoient pas les masures, les marinas, les golfs, les lacs de pêche artificiels ne côtoient pas les mobil-homes et leurs jardins encombrés de saletés.
Les routes sont deux fois larges comme les nôtres, juste adéquation avec la taille de leurs véhicules.

Les champs, sans haies, sans contours bizarres, s’étalent indéfiniment sur les plaines, successions de cercles irrigués par les rampes ou de rectangles inlassablement aspergés par les avions.



Les forêts, quand elles ne sont pas brûlées, soulignent les reliefs inhabités, inaccessibles, les gorges aux méandres torturés.



Tout est démesuré.






Le Nouveau-Mexique m'apparaît alors du hublot, comme une lande verte, rouge et violette ; les flancs d’un volcan, colonisés par la basalte sombre et les broussailles sèches, à peine jaunes, sont sillonnés de longues pistes sinueuses sur lesquels on imagine courir les Indiens en chasse ; l’ombre d’oiseaux de proie laisse sa trace noire et fluide sur la poussière soulevée par les vents furieux ; l’orage mauve et ses odeurs d’ozone menacent les montagnes et repoussent nos ailes blanches vers le soleil couchant.

Nous contournons Sandia Peak et ses nuages anthracite, pour découvrir les lumières orange d’Albuquerque, ses longues avenues cardinales, ses maisons pourpres et planes et rondes et douces, son étalement puéril et, pourtant, modeste, et le long tunnel vert des arbres abreuvés par le Rio Grande.

Atterrissage, au crépuscule, dans l’air frais d’altitude du haut plateau, du rift.


Voir aussi les explications détaillées de Mother-in-law-Little-Stone.