La
photographie est un art d'angle. Par conditionnement, David choisit
toujours un coin pour s'asseoir.
D'ordinaire,
il aime varier ses points de vue. A l'auberge, il s'est inventé un
petit jeu, une fantaisie de rien dont Madame Simon s'est faite la
complice.
Premier
arrivé, il observe les stratégies d'emplacement des autres
convives.
Voilà
quatre jours qu'à midi, il s'installe à la même table. Toujours,
les premiers s'installent loin de lui. Puis, les suivants
s'installent toujours à la même table, près de lui, loin des
autres.
Il
a réfléchi à cela. Ce n'est pas la protection qu'offre le poteau
entre eux, ce n'est pas non plus la tranquillité de l'emplacement.
C'est une question d'espace de respiration. La distance avec l'autre.
Après,
la terrasse se remplit plus ou moins aléatoirement. En fonction de
la taille des groupes, du fait qu'il y a des enfants ou non.
La
dernière table remplie, quand elle l'est, est toujours la plus
proche de la sienne. Son calme relatif, sa solitude, rassurent les
premiers arrivés puis, les suivants la respectent, voire la
craignent un peu.
La
solitude est un art d'angle.